Pas de vacances pour Monsieur Kolb

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Dring Dring Dring...

L’infâme sonnerie métallique s’élance dans le noir, cherchant le chemin des tympans du dormeur.

Dring Dring Dring...

Monsieur Kolb ouvre un œil.

Dring Dring Dring...

Sa main pesante et velue s’abat sur le mécanisme d’arrêt de l’infernale machinerie matinale. L’envie de se rendormir est forte, mais la conscience professionnelle est ce qu’elle est : jamais M. Kolb n’est arrivé en retard à son travail, même le jour où le cancer emporta sa femme. La main velue quitte le réveil et glisse jusqu’au bout du lit. Tâtonnement, grattement d’une allumette, lumière…. Le halo orangé d’une lampe à pétrole vient illuminer la petite chambre de bonne, chassant la semi obscurité de l’aube pointant à travers le volet de l’unique fenêtre. Pied gauche dans chausson gauche, pied droit dans chausson droit ; M. Kolb se gratte les cheveux, baille, s’étire, passe une main dans son épaisse barbe noire, réajuste son pyjama puis se lève. Dans une sorte de rituel parfaitement orchestré, il allume à la suite la cafetière, le grille-pain, et la radio.

Rien ne se passe, comme d’habitude.

Tout le quartier est privé d’électricité depuis plusieurs semaines, depuis le départ de tous les administrés en fait. Tous, excepté M. Kolb. Bien sur dire qu’il est le dernier habitant de Port-Rotterdam serait mentir. Les quartiers résidentiels abritent encore pas mal de monde, ne serait ce que le gang de cette crapule de Burt Cassandra. Il est d’ailleurs étonnant de constater comment un minable petit syndicaliste comme Burt a réussi à saisir l’opportunité de la fermeture des chantiers navals pour rallier les dockers derrière lui et s’ériger en nouveau maître de la zone portuaire. Fini les Agences, bonjour la Mafia.

M. Kolb met un café lyophilisé à chauffer sur son réchaud à gaz, saisit une biscotte et va ouvrir les volets. Les rangées de bâtiments en béton, vides et silencieux, s’offrent à son regard tandis que se devinent au bout de la rue les quais perpétuellement noyés dans la brume. De temps en temps parvient le relent nauséabond de la merde dont le miasme persiste longtemps dans les narines. Monsieur Kolb se dit que Burt possède un territoire bien pitoyable. Tout ça parce qu’un jour un obscur dagsec a décidé de faire du port le déversoir des égouts du nord de Parengam.

« La pollution Etrangère honore les bassins de Rotterdam. » Quelle aubaine ! L’Agence de la Gestion Maritime avait eu vite fait de déménager dans un lieu plus conventionnel ; et avec son départ avait suivi celui de milliers d’administrés, laissant le quartier à l’abandon. Mais M. Kolb est resté lui. Son métier consiste à nettoyer les eaux du port de toutes vermines. Trente ans qu’il exerce ce métier, trente ans que tous les matins à l’aube il revêt son scaphandre, saisit son harpon et va patauger dans les bassins pour mériter ses TUS. Alors nager dans les eaux polluées par les dégazages des tankers ou dans la merde, il n’y avait pas grand différence.

Une silhouette à la démarche hagarde apparaît au bout de la rue, semblant s’extirper de la brume tentaculaire recouvrant les quais. M. Kolb le regarde remonter la rue, semblant traîner sa carcasse comme un poids mort, plaçant un pas l’un après autre dans la démarche typique d’un poivrot. M. Kolb ne se laisse pas abuser. Vermine. Les ivrognes sont apparus avec la fermeture de Rotterdam, semblant vouloir recréer maladroitement une activité portuaire aujourd’hui disparu. Vermine. Il les a vu à l’action, bouffer des gens crus et contaminer les survivants. Un harpon dans la tête, c’est l’unique solution.

Une autre silhouette à la démarche titubante apparaît sur les quais. M. Kolb se dépêche de finir sa biscotte. Une longue journée de travail l’attend.